Gabon : au CES Jean Hilaire Aubame Eyeghe, les vacances anticipées comme remède à la violence scolaire ?

À Libreville, la cloche des grandes vacances a sonné plus tôt que prévu pour les élèves de 6e, 5e et 4e du collège Jean Hilaire Aubame Eyeghe (JHAE). Prévue initialement pour le 30 mai, la fin des cours a été avancée au vendredi 23 mai 2025 à 17h45. Une décision brutale, mais révélatrice d’un mal plus profond : la montée inquiétante de la violence en milieu scolaire.
Selon la note d’information signée par la principale de l’établissement, Mme Nze Florence, ce réaménagement du calendrier est motivé par « la récurrence des bagarres à l’arme blanche dans les salles de classe dues à l’absence des enseignants ». Une déclaration grave, presque surréaliste. Que des collégiens viennent armés à l’école, en plein cœur de la capitale, et que cela devienne suffisamment fréquent pour écourter une année scolaire : voilà qui devrait inquiéter bien au-delà des murs du CES JHAE.
L’école, censée être un sanctuaire du savoir et de l’éveil citoyen, devient ainsi un théâtre d’affrontements. À qui la faute ? À l’élève bagarreur ? À la famille ? À l’État ? À un système éducatif qui, par ses failles, laisse des enfants livrés à eux-mêmes ? Ou à cette absence criante des enseignants, mentionnée noir sur blanc dans la note, comme si elle n’était qu’un détail ?
Des absences aux conséquences désastreuses
Car c’est bien là une autre plaie que cette note met à nu : le manque de personnel encadrant. Il ne s’agit plus seulement d’un problème d’effectif ou de grève, mais d’une chaîne de responsabilités qui se brise. Des classes désertées par leurs enseignants deviennent des terrains vagues propices à toutes les dérives. Et ce sont les élèves mais aussi leurs familles, et à long terme la société tout entière qui paient les pots cassés.
Alors que reste-t-il, quand l’école abdique ? On écourte l’année. On anticipe les vacances. On remet les bulletins, sans que l’année ait réellement été construite. Un aveu d’impuissance ? Une solution par défaut ? Peut-être un peu des deux.
Fait notable, les élèves sont tout de même invités à participer à la fête de fin d’année, prévue le 30 mai. Un rappel que malgré la tension, l’établissement tente de maintenir un semblant de normalité, de convivialité. Mais suffit-il d’un événement festif pour effacer les stigmates de la violence ? Pour restaurer la confiance ? Peut-on célébrer pendant que le système tangue ?
Face à cette réalité, plusieurs pistes doivent être envisagées. D’abord, renforcer la présence des encadrants dans les établissements : ni les chefs d’établissement, ni les élèves ne doivent avoir à subir les absences prolongées d’enseignants sans explication. Ensuite, réinstaurer une culture de discipline et de respect, non pas par la peur ou la sanction systématique, mais par l’exemple, la pédagogie, et une vraie politique d’écoute. Enfin, remettre la cellule familiale au centre, car une grande partie de la violence à l’école vient de carences affectives, éducatives ou économiques qui trouvent leur source hors de l’enceinte scolaire.
Le cas du CES JHAE n’est pas isolé. Il est un miroir tendu à notre société : celle qui rêve d’émergence mais peine à garantir un cadre sécurisé pour ses enfants. À l’heure où le pays s’interroge sur son avenir, il est urgent de remettre l’éducation au centre des priorités nationales. Et pas seulement sur les affiches. Sur le terrain. Là où se joue, chaque jour, l’avenir du Gabon.